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Déduction des frais généraux des EHPAD - ne pas trop déduire de TVA
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FRAIS GÉNÉRAUX DES EHPAD – ATTENTION À NE PAS DÉDUIRE TROP DE TVA

 

Article rédigé le 1er Décembre 2020 par Me Liselotte Larue

 

Le principe du droit à déduction peut paraitre simple. Toutefois, les choses se compliquent lorsqu’on s’intéresse aux modalités concrètes de détermination du droit à déduction, en particulier s’agissant des frais généraux des EHPAD.
En effet, deux conceptions s’opposent. Si l’article 271 du CGI évoque la TVA « qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable », l’article 206 III de l’annexe II du même code définit les modalités de calcul du prorata de déduction autour de la notion de biens et services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction.

 

Par un arrêt du Conseil d’Etat en date du 7 octobre 2020 (n° 426661), la haute juridiction a entendu substituer à une approche financière (retenue dans son précédent arrêt du 5 octobre 2016 n° 390874), une approche fonctionnelle.

 

La TVA déductible dans la jurisprudence communautaire

 

La jurisprudence communautaire est, sur le plan des principes, stable et précise.

 

En effet, l’application du mécanisme des déductions est conditionnée à l’existence d’un lien direct et immédiat entre les biens et services acquis auprès d’un tiers et une ou plusieurs opérations du contribuable ouvrant droit à déduction (c’est-à-dire des opérations soumises à la TVA ou opérations qui y sont assimilées). Ce lien direct et immédiat présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir les biens et services fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations ouvrant droit à déduction.

 

A défaut de l’existence d’un tel lien, un droit à déduction est néanmoins reconnu s’il existe un lien entre la dépense et l’ensemble de l’activité économique dudit contribuable (hypothèse des frais généraux). En effet, les frais généraux constituent en tant que tels des éléments constitutifs du prix des produits d’une entreprise et entretiennent en principe un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique.

 

En revanche, lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti ont un lien avec des opérations exonérées ou qui ne relèvent pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de celle-ci en amont.

 

Le Conseil d’Etat a repris ces principes dans un arrêt du 23 décembre 2010 (n° 307698) :

 

« qu’il résulte de ces dispositions [article 271 CGI], interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2, 3 et 5 de l’article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l’acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu’en l’absence d’un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l’intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l’acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ;  »

 

Dans ce cadre, comment déterminer la TVA déductible des frais généraux des EHPAD ?

 

2016 : Approche financière de la détermination du droit à déduction de la TVA grevant les frais généraux

 

En 2016, le Conseil d’Etat avait retenu une approche financière de la détermination du droit à déduction des frais généraux des EHPAD, en considérant qu’ils étaient totalement déductibles dans la mesure où ils étaient répercutés intégralement dans la détermination des tarifs hébergement et dépendance (assujettis à la TVA), et non dans le tarif soins (exonéré de TVA).

 

« (…) Ainsi, si, en règle générale, la déductibilité n’est que partielle, à hauteur du prorata de déduction, lorsque les biens ou services sont utilisés concurremment pour la réalisation d’opérations taxées et pour la réalisation d’opérations exonérées, elle est intégrale dans l’hypothèse particulière où l’assujetti est tenu de répercuter l’intégralité du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées, alors même que les dépenses seraient aussi utilisées pour les opérations exonérées. »

 

Or, les dispositions du code de l’action sociale et des familles, et en particulier l’annexe 3-2 dudit code, interdisaient de procéder à l’incorporation des dépenses au secteur soins. Dans ce contexte, le Conseil d’Etat a considéré que les frais généraux ne faisaient pas partie des éléments constitutifs du prix des prestations de soins, seules exonérées de TVA. Par conséquent, leur déductibilité devait être, aux yeux de la haute juridiction, totale.

 

Toutefois, afin de tenir compte d’une précision jurisprudentielle intervenue au niveau européen, le Conseil d’Etat n’a pu que procéder à un revirement dans son arrêt du 7 octobre 2020.

 

2020 : Approche fonctionnelle de la détermination du droit à déduction de la TVA grevant les frais généraux

 

Postérieurement à l’arrêt du Conseil d’Etat de 2016 évoqué ci-dessus, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé dans un arrêt du 18 octobre 2018 (C-153/17) que même lorsque les frais généraux afférents à des opérations de location-vente de biens meubles sont répercutés non pas dans le montant dû par le client au titre de la mise à disposition du bien concerné (soit la partie imposable à la TVA de l’opération), mais dans le montant de l’intérêt dû au titre de la partie « financement » de l’opération (soit la partie exonérée de celle-ci), ces frais généraux doivent néanmoins être considérés, aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée, comme un élément constitutif du prix de cette mise à disposition.

 

Par conséquent, l’assujetti bénéficie d’un droit à déduction, lequel doit être établi en fonction d’un prorata déterminé en fonction de l’utilisation des biens ou services concernés pour la réalisation d’opérations ouvrant droit à déduction :

 

 

« En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les frais généraux en cause au principal entretiennent un lien direct et immédiat avec l’ensemble des activités de VWFS, et non pas uniquement avec certaines de celles-ci. À cet égard, le fait que VWFS aurait décidé d’incorporer ces frais non pas dans le prix des opérations imposables, mais uniquement dans le prix des opérations exonérées ne saurait avoir une quelconque incidence sur une telle constatation de fait. 

Ainsi, dans la mesure où ces frais généraux ont été effectivement exposés, à tout le moins dans une certaine mesure, en vue de la mise à disposition de véhicules, qui sont des opérations taxées, lesdits frais font partie, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix de ces opérations. Dès lors, un droit à déduction de la TVA s’ouvre, en principe, conformément aux considérations exposées aux points 38 à 42 du présent arrêt. (…)

En l’occurrence, étant donné que les frais généraux affectés au secteur de détail de VWFS concernent des biens et des services utilisés pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, un prorata de déduction doit être établi, conformément aux dispositions pertinentes de cette directive. »

 

Dans ce cadre, le Conseil d’État a procédé à un revirement de jurisprudence, retenant que les frais généraux des EHPAD étaient également exposés au titre de l’activité de soins, exonérée. Par conséquent, la TVA grevant ces frais généraux ne peut être intégralement déduite.

 

« Lorsque les biens ou services sont utilisés concurremment pour la réalisation d’opérations taxées et pour la réalisation d’opérations exonérées, la déductibilité n’est que partielle, y compris dans l’hypothèse particulière où l’assujetti est tenu de répercuter l’intégralité du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées. 

    1. Par suite, la cour administrative d’appel de Douai a entaché son arrêt d’une erreur de droit en jugeant que l’administration fiscale ne pouvait remettre en cause la déduction intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais et charges d’administration générale, de fonctionnement et d’entretien général des bâtiments de la société Résidence de la Forêt au motif qu’ils avaient été intégralement incorporés dans le prix des prestations relatives à l’hébergement et à la dépendance, lesquelles sont imposables à la taxe sur la valeur ajoutée à la différence des prestations de soins. »

 

Dorénavant, doit être pris en compte le critère de l’utilisation des biens et services objets des frais généraux pour déterminer le montant de la TVA déductible relatif à ces dépenses, nonobstant le fait que la répercussion financière dans le prix de certaines opérations résulte d’une obligation légale ou réglementaire.

 

Ayant une parfaite maîtrise et connaissance du droit de la responsabilité administrative, civile et pénale ainsi qu’une fine connaissance de la procédure par son expérience en juridiction, elle met aujourd’hui son expertise au service d’établissements publics de santé et d’établissements publics de l’Etat à résonance nationale. À titre d’exemple, elle conseille et accompagne plusieurs établissements publics sur des problématiques d’amiante aux côtés de maître Pierre-Yves FOURE, associé du Cabinet.

Aux côtés, de Maître Pierre-Yves FOURE, associé du Cabinet, elle pratique régulièrement le droit pénal tant devant les juridictions d’instruction, notamment au pôle santé et financier du Tribunal de Grande Instance de Paris, que devant les juridictions de jugement pour des affaires d’homicides et blessures involontaires, de mise en danger de la vie d’autrui, ainsi qu’une activité de conseil et de représentation en justice en droit la presse (diffamation, droit de réponse et rectification & loi 29 juillet 1881)..

Elle accompagne également les établissements publics de santé, les groupements établis dans le domaine sanitaire, et les établissements publics de l’État dans leurs relations avec l’administration fiscale et le conciliateur fiscal en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée, d’Impôt sur les sociétés, de Taxe foncière….. Elle apporte enfin son expertise en matière de restructurations sanitaire et médico-sociale (fusion, transfert d’activité, coopération) s’agissant des questions spécifiques de fiscalité.